Joseph Gaspard Pailhoux, fortunes et infortunes

La biographie de Joseph Gaspard Pailhoux, dernier Seigneur et premier Maire de Cascastel, comporte des choix heureux ou malheureux et laisse un sentiment de volontés inaccomplies. Vous trouverez ici quelques informations relatives à ceux de son époque qui furent ses « challengers », alliant des fonctions auprès des parlements provinciaux avec l’exploitation des mines et des forges.

Les exploitants Miniers des Corbières au 18ème siècle.
Gauthier Langlois, Exploitation du fer au 18ème siècle

Les activités de Joseph-Gaspard Pailhoux et ses associés
(In « Les Mines de Corbières », Julien Mantenant)

La suspension des activités de la compagnie Privat, Latour et Thorin en 1750 ouvre une nouvelle période d’incertitudes minières dans les Corbières. Cette situation concerne l’ensemble du Languedoc, au point qu’un quart de siècle plus tard, les Etats du Languedoc, soucieux de développer économiquement ce territoire, font appel à un ingénieur des mines reconnu, Antoine de Genssane (vers 1738-1782), pour tenter de relancer l’activité minière dans la province, en particulier l’exploitation des gisements non-ferreux. Nommé « commissaire des Etats du Languedoc pour la visite générale des mines et autres substances terrestres de la même province », il parcourt le Languedoc pendant trois ans (1775-1778) et visite notamment les Corbières, où les mines polymétalliques sont toutes fermées.

Sa tournée semble avoir eu des effets positifs, car l’activité redémarre timidement peu après son passage dans le massif. En effet, en 1779, le seigneur de Cascastel, Joseph Gaspard Pailhoux se lance dans l’exploitation des gisements de cuivre argentifère et d’antimoine des Corbières. Il s’associe pour cela à plusieurs personnages importants, dont Jean François Guillot Duhamel (1730-1816), membre de l’académie des Sciences et professeur à l’Ecole des Mines, et Jean-Antoine Chaptal (1756-1832), le fameux chimiste, qui réalisera par la suite une grande carrière scientifique et politique. Très vite, ils concentrent leur activité sur les mines d’antimoine de Palairac, Maisons et Quintillan. Un atelier de traitement de l’antimoine est d’ailleurs aménagé sur le carreau de la mine de la Bousole, à Palairac. L’antimoine brut est ensuite commercialisé par Jean-Antoine Chaptal comme mordant et fixateur dans l’industrie drapière. Malheureusement, l’entreprise périclite et les associés de J.-G. Pailhoux se retirent. Son gendre le général Luc Siméon Dagobert de Fontenilles (1736-1794), qui a repris une partie de ces activités, cherche à s’en débarrasser dès 1787.

Joseph Gaspard Pailhoux (1726-1808) est le fils de Gaspard Pailhoux, qui acquiert en 1734 la seigneurie de Cascastel en vue d’accéder au Capitoulat de Toulouse, mais décède dans l’année. Marié à une riche héritière, Marie Anne d’Adhémar de Taura, morte en 1747, propriétaire du château de Cascastel, Joseph Gaspard est chevalier d’honneur au Bureau des Finances de la Généralité de Montpellier puis Conseiller au Conseil Souverain de Roussillon en 1759. Dès 1757, il envisage d’acquérir une charge de Conseiller au Parlement de Toulouse mais ne parviendra jamais à solder cette acquisition. Il se lance dans l’aventure minière en 1763, cherchant tout d’abord à exploiter les mines de fer qu’il possède sur le territoire de Cascastel et Villeneuve. En 1781, il cède sa charge de Conseiller au Conseil Souverain de Roussillon au profit de son fils Joseph Melchior Pailhoux, puis se lance dans l’exploitation de l’antimoine jusqu’à l’époque révolutionnaire. Il décède à Cascastel en 1808. Son fils Martial lui succède comme maire de Cascastel mais ne s’intéresse pas aux mines et la concession ne lui est pas renouvelée en 1811.

L’exploitation du fer, une activité dynamique

La mise en valeur du fer des Corbières paraît plus dynamique à la même époque. Le plateau de Lacamp (Davejean, Félines-Termenès, Palairac, Talairan, Villerouge-Termenès) et les mines présentes plus à l’est (Albas, Cascastel, Villeneuve-les-Corbières) constituent alors la principale zone d’extraction, comme le note Antoine de Genssane, qui observe en 1776 près de Davejean et de Villerouge « quantité de mines de fer de très bonne qualité qu’on exploite » (Genssane 1776 : 189 et 191). Des recherches sont aussi réalisées à l’ouest des Corbières, dans le secteur d’Alet-les-Bains. 

Toutes ces mines alimentent quatre forges à la catalane construites dans le massif entre 1735 et 1780, qui s’ajoutent à la quinzaine d’établissements créés ou reconstruits durant la même période dans l’actuel département de l’Aude. Dans la mesure où un approvisionnement régulier en minerai de fer de qualité est crucial pour le bon fonctionnement de ces forges, ce sont leurs propriétaires ou fermiers, les maîtres de forge, qui contrôlent l’extraction du minerai de fer dans les Corbières. Cette activité ne nécessite pas forcément d’investissements conséquents. Elle est donc ouverte à des entrepreneurs aux moyens plus limités que les puissants investisseurs manieurs d’argent attirés par les gisements polymétalliques. Il s’agit généralement de négociants enrichis ou de seigneurs locaux, tels Olivier de La Gardie, seigneur d’Auriac, qui édifie en 1750 une forge sur ses terres, sur les rives de l’Orbieu. 

Ainsi, dans les années 1730-1750, la mine dite de Fourques, au nord du plateau de Lacamp (Talairan), alimente la forge de Saint-Pierre-des-Champs, bâtie vers 1735 à moins d’une dizaine de kilomètres au nord-ouest.
La forge de Saint Pierre des champs fut construite en 1733 par Bellissen de Malves, Seigneur de Talairan, utilisant la rivière Orbieu.
« Le charbon de bois était fabriqué au même endroit, avec du garric, du pin, du vergne (d’avet), et des racines de bois.
Le minerai de fer était transporté de la mine jusqu’à la forge à dos de mulet, d’une distance de 5 à 7 km. On raconte que les femmes de VILLEROUGE, qui allaient à pied à la foire de LAGRASSE (12 km) se chargeaient d’un bloc de minerai de 10kg et le laissaient en passant à la forge où on leur payait 2 sous (10 cts).
L’ORBIEU actionnait les soufflets qui donnaient 7 m3 d’air à la minute, pour attiser le feu. La masse (mail) de 650kg se levait de 45 centimètres, tapait 100 à 125 coups par minute pour enlever les impuretés.
Chaque jour il fallait pour 1000kg de minerai 4000kg de bois. C’est pourquoi la forge fut la cause du déboisement de la région. La FORGE de St PIERRE des CHAMPS cessera de fonctionner vers 1874. »( In Jean Puget, Talairan en Corbières).
Ce texte témoigne du caractère opportuniste et complémentaire de l’activité minière pour les agriculteurs ou leurs femmes ainsi que de la quantité de bois qu’il fallait pour obtenir le charbon de bois nécessaire (plus de 50%) à la réduction du minerai de fer.
En 1756, Louis-Joseph Dadvisard acquiert la terre de Talairan qui avait été érigée en marquisat en 1756 en faveur de la famille de Bellissen. Président à mortier au Parlement de Toulouse, il poursuivra les activités métallurgiques de la forge de Saint Pierre des Champs. .Histoire de

La mine de la Caune des Causses (Palairac) est exploitée au milieu du XVIIIe siècle, à l’initiative d’Olivier de la Gardie, pour approvisionner la forge d’Auriac, située à 12 km de là. Trois ans plus tard, le « marquis de Montgaillard »  relance l’exploitation des gisements de fer de la colline de Monthaut et de Serremijane (Palairac), pour les besoins de la forge qu’il vient de bâtir à Montgaillard, dans les gorges du Torgan. Le minerai de fer de Balansac, à Villeneuve-les-Corbières, est quant à lui extrait depuis 1763 à l’initiative de Joseph-Gaspard Pailhoux, pour alimenter la forge de Saint-Pierre-des-Champs, puis la forge de l’Iliate au Grau de Padern, qu’il fait construire en 1779. Son gendre, Luc Siméon Auguste Dagobert, en devient le nouveau propriétaire dès 1781 et très rapidement, il cherche lui aussi à la revendre, sans succès, à François-Ignace de Wendel et son associé Claude Périer, deux grands industriels du XVIIIe siècle, administrateurs de la forge royale d’Indret et fondateurs de la grande usine métallurgique du Creusot (actuelle Saône-et-Loire).

Les mines de fer de Lacamp alimentent aussi d’autres établissements plus lointains. La mine de Serremijane est exploitée par Gary père à partir de 1764  à la demande de M. de Pujol, propriétaire de la forge de Saint-Denis (Montagne Noire). Gary devient ensuite le fermier de cette forge et de celle de Saint-Pierre-des-Champs, tout en conservant la main sur l’exploitation de certaines mines de Lacamp. A la toute fin du XVIIIe siècle, Jean-Joseph de Varnier, constructeur en 1784 de la forge de Quillan, s’assure une concession sur des mines de Lacamp entre Villerouge et Albas pour approvisionner sa forge.

Le fer produit à partir du minerai des Corbières alimente alors le marché local et régional. Cependant, il ne fait guère le poids face aux productions réputées du Roussillon et surtout du pays de Foix, qui inondent le marché languedocien.

Louis de Salles, Marquis de Gudanes
Château de Gudanes
Ce château reconstruit entre 1741 et 1750 par Ange Jacques Gabriel pour un maître de forges, comprend une façade à la belle ordonnance classique, son intérieur conserve un important décor de gypseries qui a conservé ses trophées en haut et au centre des panneaux. Il présente aussi un bel escalier avec une remarquable rampe forgée.
C’est une riche et belle construction à la hauteur de la fortune de son propriétaire surnommé « le roi des Pyrénées ».
La façade du château de Cascastel restaurée dans son état bien ordonnancé du 18ème siècle sort du cadre des châteaux médiévaux de la région et porte la marque d’une destinée singulière. Probablement antérieure à celle de Gudanes, on peut cependant y déceler la volonté des Pailhoux de se hisser au niveau de leurs « pairs ».
Il en est de même du décor de gypseries, bien que d’un style plus lourd que celui de Gudanes.
Comme ses demi frères de Gléon-Durban, Joseph Gaspard Pailhoux va emprunter un cursus qui le conduira de la Cour des Aides de Montpellier au Conseil Souverain de Roussillon jusqu’en 1782. Il en tirait l’essentiel de ses revenus.
Il exploitait en parallèle le minerai de fer de Balansac depuis 1764.
Après son père, le médecin des états de Languedoc, qui tenta de devenir Capitoul de Toulouse, Joseph Gaspard s’endetta dès 1757, sans jamais parvenir à acquérir une charge de Conseiller au Parlement de Toulouse qui l’aurait porté, outre les revenus de cette charge, au même rang que ses émules contemporains.
Les ambitions, le dessein était là, mais les moyens manquèrent.
Les ambitions perdurèrent avec la création des forges de L’Iliate au Grau de Padern en 1780, mais l’entreprise transmise dès 1782 par Joseph Gaspard Pailhoux à son gendre Luc Siméon Auguste Dagobert, demeura limitée: faiblesse de ressources en minerai, houille de Ségure impropre à la réduction du minerai, pauvreté de la ressource en eau et surtout en charbon de bois.

.

Rédaction en cours