La vie d’avant, les indices cachés du Fort de cascastel
Le mur de refend du château côté rue du Pont Vieux recèle à hauteur du premier étage une pierre taillée et décorée dont on pouvait se demander la signification et l’usage en cet endroit.
Effectivement, ceux qui l’ont sauvée en la plaçant là, se doutaient peut-être qu’ils poseraient aussi une énigme à ceux qui après eux s’intéresseraient à notre château. Si l’on se doutait qu’il s’agissait d’un réemploi, cela n’expliquait pas pour autant les motifs de sa fabrication, ni sa fonction, d’autant que les pigeons se l’étaient appropriée.
S’agissant d’un bâtiment appelé château, on était tenté de donner à cette pierre ainsi exposée un sens symbolique, un usage très particulier. Mais non, cette pierre blanche si bien décorée avait une utilité domestique tout ce qu’il y a de plus banal, et la découverte de cette utilité ne fait que révéler à quelle vitesse le temps efface les traces de la vie quotidienne de nos aïeux.
Nous devons à Alain Dibert la découverte dans la maison qu’il possède dans le vieux Fort, et proche du manteau d’une ancienne cheminée, d’une niche munie d’ouvertures rappelant de très près le décor de la pierre énigmatique du mur du château.
Le travail au plâtre trouvé dans la maison de l’impasse, autrefois appelé impasse de l’âne, s’agissant des ouvertures supérieures, joint le fonctionnel au décoratif puisque au premier coup d’œil, on pense à un jeu de croix.
La pierre du Château, dans sa partie supérieure comprend deux ouvertures rondes et trois gravures décoratives en forme de rosette, motif très répandu et pouvant ici signifier partage et abondance.
Jusque dans les années 1950, nous avions encore sous le manteau de la cheminée de nos maisons, une boîte à sel et une boîte à allumettes. Dans les années 1960, nous avions des frigos et n’avions plus besoin de tuer le cochon et de saler les jambons.
Mais auparavant le sel était primordial pour conserver la nourriture et il fallait le conserver au sec surtout lors de périodes de « marin ».
C’est l’usage le plus probable de ces niches ventilées situées auprès de l’âtre.
Rappelons que sous l’ancien régime, le sel était un produit de luxe fortement taxé (gabelles)et qu’il ne fallait pas le gaspiller.
Les niches de cheminée se rencontrent couramment dans l’habitat traditionnel, mais elles ne sont pas décorées, et nous avons ici des exemples spécifiques d’un art méridional mal connu.
La maison de l’impasse de l’âne renferme bien d’autres curiosités.
On entre directement depuis la rue dans un escalier tournant dont les premières marches sont en pierre. Il dessert tous les étages et selon les témoignages de nos anciens, le dernier habitant, un nommé « Minart », vivait seul dans une pièce du dernier étage de cette maison.
En effet, cette maison appartenait à de nombreux propriétaires et chaque « lot » semblait se composer d’une seule pièce avec une cheminée de cuisine privative et juste la place pour une table devant la cheminée et un lit dans un coin.
Le coin du feu, cantou en occitan, était le cœur de la vie familiale.
Dans l’espace de l’ancien Fort, adossés à des vestiges de gros murs d’enceinte, on retrouve d’autres cas de « copropriétés » où, aujourd’hui encore, chaque niveau a un propriétaire différent, voire avait un escalier en commun.
Ce mode d’habitat nous permet de remonter assez haut dans l’histoire de notre village et confirme la structure connue du Fort, à savoir un lieu où les habitants venaient se mettre en sécurité et où l’espace était compté.
L’histoire du Fort de Cascastel nous est parvenue par la Charte de sa reconstruction en 1390 et il est étonnant de voir que bien des structures établies à cette époque ont été utilisées sur une très longue période et que c’est à partir du 17ème(linteaux gravés) que l’habitat est sorti du Fort (rue des Nobles,etc.).
Le mode de restauration douce adopté par Alain Dibert, en conservant ces traces du passé, nous permet d’entrer un peu dans l’intimité des anciens habitants de Cascastel. On imagine des petites familles vivant dans une seule pièce et y conservant tous leurs moyens d’existence, probablement dans une relative indigence. Un grand merci donc à Alain Dibert pour la conservation de ce patrimoine et l’éclairage qu’il nous donne sur ce que fut le quotidien de nos anciens.